Alfred Sabatier
alias Sève
« Fallait-il donc frapper si fort pour que le sang et l'eau jaillissent ? Ô blessure vraiment royale !
Ô sève de Dieu qui s’épanche ! »
Claudel, Corona benignitatis anni dei
Résistant mort en déportation.
Né le 30 avril 1907 à Bourgoin (Isère).
Décédé le 30 mars 1945 à la prison de Siegburg (Rhénanie).
En zone Sud, il a appartenu au groupe Libération dès 1941 (ou 1940), puis au mouvement Combat (1942) et à l’Armée Secrète (1943).
Membre des Groupes Choc de Combat puis de l'Armée Secrète, il a pris part à de nombreuses actions directes ainsi qu'à des missions de renseignement.
« Mort pour la France ».
Homologation FFI grade sous-lieutenant.
Statut DIR (carte de Déporté Résistant n° 1015.02365, signifiant la reconnaissance de sa déportation et internement pour faits de résistance, délivrée à son ayant cause, sa veuve Marthe, le 10 janvier 1951).
Il a reçu à titre posthume la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance (carte n°006023 délivrée à son ayant cause, sa veuve, le 20 octobre 1953), la Médaille de la Déportation et de l'Internement pour faits de Résistance, la Croix de guerre 39-45 avec palme, la Médaille de la Résistance et la Légion d’Honneur (Chevalier).
Son nom est inscrit sur la stèle du Poussey à Mionnay concernant le Secteur IV de l’Armée Secrète du Rhône.
Il figure aussi sur la liste des militaires lyonnais « Morts pour la France » gravée sur le monument aux morts de l’Ile des Cygnes au Parc de la Tête d’Or à Lyon.
Parcours avant la guerre : mousse à 15 ans,
devenu jeune officier marinier
Alfred Sabatier est entré à l’Ecole des apprentis marins le 6 avril 1922 (à bord de l’Armorique), puis fut embarqué comme mousse à bord du Magellan le 1er avril 1923.
Il a cumulé 72 mois et 7 jours à bord des bâtiments et 5 mois et 20 jours de services à terre. Il a fait plusieurs fois le tour du monde, à bord du Condorcet, du Metz, du Strasbourg, du Garonne…
Il a été décoré de la Médaille Coloniale Maroc 1925, et de la Medalla de la Paz de Marruecos (Espagne) en juin 1928.
Ayant terminé son engagement volontaire de cinq ans (à partir de sa sortie de l’école le 1er octobre 1923), il a quitté la Marine le 1er octobre 1928 pour se marier avec une jeune orpheline et pouvoir rester auprès d’elle (mariage le 10 novembre 1928 avec Marthe Julia Darmet, lui âgé de 21 ans, elle de 20 ans).
Il a été promu Second Maître de manoeuvre de réserve à compter du 1er novembre 1939.
Parcours pendant la guerre : une résistance précoce et pluriforme
Mobilisé à la Compagnie d’Ouvriers (C.O.) à bord du « Rhin » à partir du 2 septembre 1939. Démobilisé le 10 juillet 1940.
Engagé comme secrétaire aide-comptable le 25 novembre 1941 par la 7ème Division, 61ème régiment d’artillerie, 2ème groupe, jusqu’en avril 1942.
Nommé Inspecteur de sûreté de la police Régionale d’Etat de Lyon le 23 février 1942, il prend ses fonctions le 1er avril 1942.
Dès 1940 il a mené individuellement, avec son épouse Marthe, diverses actions de résistance : propagande, distribution de tracts, de journaux.
Avant d’entrer dans l’Armée Secrète, il a appartenu au groupe Libération (dès l'année 1941 au plus tard), puis au mouvement Combat. Une note sur une attestation FFI indique aussi son appartenance au réseau « Serval »(?).
Il a également commis des "vols" aux dépens des Allemands pour fournir le maquis (denrées ; munitions/armes).
Le 11 octobre 1942, parce qu'il n'a pas procédé à l'arrestation de deux juifs étrangers qui se cachaient à Lyon après la grande rafle du mois d'août, il fut révoqué de la police et interné dans le camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), puis transféré à Bayonne en mars 1943 pour des travaux forcés au bénéfice de l'organisation Todt. Il s'est évadé (date inconnue).
Entre-temps il avait été incorporé à l'Armée Secrète et fut chef de trentaine dans le secteur IV - Camp Didier de l'AS du Rhône, nommé par Paul Gouailhardou, alias Jacques, chef de secteur (fusillé par l'occupant allemand le 13 juin 1944 à Villeneuve, dans l’Ain).
Les différentes attestations du chef de secteur qui a succédé à Paul Gouailhardou, Jean Curvat, alias Capitaine Vallin, citent comme genre d’opérations effectuées par Alfred Sabatier :
- diffusion de tracts, journaux, et propagande ;
- constitution de dépôts d’armes et matériel de guerre, et entretien ;
- opérations de sabotage ;
- relevés de plans du terrain d’aviation de Lyon Bron ;
- différentes missions et opérations militaires sur le secteur IV et ville, et région Rhône.
A partir du 13 août 1943, Alfred Sabatier se fait embaucher par les Allemands pour travailler comme électricien sur la base aérienne de Lyon-Bron occupée depuis novembre 1942 par l'armée allemande et dont l’importance historique est notoire. Il fait de l’espionnage, relève des plans, distribue tracts et journaux de la Résistance, et probablement du sabotage.
La Gestapo l'arrête à son domicile à Lyon le 1er décembre 1943, suite à une dénonciation. Il venait d'effectuer diverses opérations militaires sur le secteur et de relever des plans. Il est resté emprisonné six mois à la prison de Montluc avant d'être déporté en Allemagne le 6 juin 1944. A Montluc il a subi 22 interrogatoires. Il a été torturé de nombreuses fois. Le motif de son arrestation et de sa déportation est une grande surprise révélée par les archives Arolsen et par une fiche du collaborateur Fernand de Brinon : Alfred Sabatier n'est pas tombé pour ses actions de renseignement ou ses opérations militaires mais pour "vol qualifié prémédité" (pour avoir dérobé des boîtes de graisse aux Allemands). La Gestapo, malgré ses doutes, n'a jamais obtenu de preuves de ses activités dans la Résistance. C'est le signe qu'Alfred Sabatier n'a livré aucune information au cours de ses interrogatoires.
Dans la Résistance son pseudo était "Sève".